_What do you do for money, honey ? { Holly

Welcome to primetime bitch . . .

Hannah ouvrit subitement les yeux. Retenant son souffle pendant quelques secondes elle balaya la pièce de ses prunelles grises, l’air grave. Prise de soudaines convulsions, son corps commença à trembler sous l’effet d’une de ces crises auxquelles elle était sujette depuis de nombreuses années. Allongée à même le sol, elle se recroquevilla sur elle-même tout en continuant de s‘agiter douloureusement, le regard vide et l‘esprit tourmenté d’idées noires. Après quelques minutes d’interminables souffrances, elle parvint à reprendre le contrôle sur son organisme en ingérant une grande quantité de pilules poussant ainsi un soupir de soulagement lorsqu‘elle sentit ses muscles se relâcher.

Elle finit par se relever malgré la faiblesse de ces jambes et découvrit avec stupeur le décor macabre de la pièce dans laquelle elle s’était endormie. C‘est d‘un air interdit qu‘elle contempla les longues traînés de sang dont le sol et les murs étaient marqués. Une étrange inscription sur le mur de droite retint son attention « Even cowgirls get the blues » . Qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir signifier? Ses vêtements étaient tâchés de sang eux aussi. Hannah ferma les yeux tout en s’efforçant de se souvenir de quelque chose, d’un moindre petit détail qui pourrait l’éclairer sur ce qu’il s’était passé…sans succès, le trou noir total. Il lui arrivait d’avoir des pertes de mémoires suite à un sommeil trop profond, chose relativement rare car elle n’en éprouvait pas le besoin, bien entendu cela posait problème.

L’endroit dans lequel elle se trouvait semblait complètement désert. Elle quitta la pièce et débuta une longue course à travers l’immeuble abandonné en suivant les traces de sang jusqu’à ce qu’elle sorte à l’extérieur et tombe sur un cadavre à la cervelle explosée. Le macchabée était probablement de sexe féminin à en juger par son visage mutilé aux joues découpées. Un travail digne d’Hannibal, consommateur de brochettes (de joues) grillées au barbecue. D’après lui, c’est la meilleure partie du corps. Il l’a dit alors on peut tester. Hannah s’agenouilla à ses côtés afin de l’observer de plus prêt, détaillant scrupuleusement sa physionomie qui était à l’heure actuelle au stade de putréfaction. Elle jeta un regard furtif aux alentours puis reporta ses yeux sur la dépouille. Un flash agrémenté de « Bree Bree » semblables aux cris que poussent les porcs vint perturber son esprit. C’est alors qu’elle comprit qui était à l’origine même du crime. Quelle folie pouvait bien l’avoir conduit à faire une chose pareille? Théoriquement les périodes de chaleurs ne nourrissaient pas de tendances meurtrières…

Hannah lança un regard dépité à la victime, cette immondice devait être une mutante car elle ne se serait jamais attaqué à un simple humain, étant à la base conçue pour exterminer la menace mutante, elle avait tué pour la bonne cause. La jeune femme s’empressa de déserter les lieux histoire de ne pas attiser la malveillante curiosité d’un clochard et s’engagea sur la route, les vêtements ensanglantées, jusqu’à ce qu’elle tombe sur un lavomatic ouvert de jour comme de nuit.

« Grab a brush and put a little makeup
Hide the scars to fade away the shake up …»

Come in my washing machine .

LAVOMATIQUE 24h/24h 7/7.

Hannah ralentit, lève la tête, cherche quelque chose du regard. Elle s’est arrêtée devant le fameux Lavomatique. Observation à travers la vitre sale. Elle hésite à entrer, encore étourdie par l’incident. Elle se décide enfin à pousser la porte d’entrée dans un grincement sinistre avant de disparaître à l’intérieur. Deux heures du matin, le « Lavomatique » est vide. Il semble que c’est la bonne heure pour laver son linge, des vêtements tâchés de sang en toute discrétion et faire disparaître toute preuve de crime. D’après ses calculs visuels : sept machines à laver contenant cinq kilos chacune, voila de quoi la satisfaire. Soulagée de se retrouver seule dans ce local, elle s’installe sur une chaise métallique. Les mains encore tremblantes, elle pose sa tête contre ses genoux qu’elle vient de hisser contre elle. Hannah se sent faible, son corps est douloureux. Que se passe t-il? Des frissons lui parcourent le dos suivit de crampes abdominales. Oui, elle se sent mal. Sa déficience génétique se fait de plus en plus ressentir. Son visage est crispé, elle a une subite envie de hurler. La mâchoire en confrontation, ses ongles lui rentre dans la peau. En l’espace de quelques secondes, X-893 perd le contrôle de son corps, les pulsions agressives prennent le dessus. Instantanément ses yeux s’agrandissent, son pouls s‘accélère et sa respiration se fait difficile. Le silence de la pièce ne l’apaise plus, ça commence à la rendre folle.

Quelle étrangeté…

Hannah relève tant bien que mal la tête, elle s’efforce de se contenir malgré son état. Quelque chose ou plutôt quelque un attire son attention. Tiens donc, elle n’est pas seule. Et voila qu’un sourire carnassier se dessine sur son visage tandis qu’un sentiment de rage mêlé à de l’euphorie l’envahit. Une jeune fille clouée sur sa chaise dans un coin de la pièce se fond dans le décor, transparente, interdite si bien qu’Hannah n’a pas remarqué sa présence. Hardenbrook se lève, sa frange recouvre parfaitement son front, dressée au dessus de ses deux yeux qui fixent explicitement cette inconnue, elle affiche un air dubitatif. Elle s’approche lentement, la tête haute tout en arborant cette tenue ensanglantée jusqu’à ce qu’elle s’arrête devant cette fille.
Elle l’observe, son regard se stoppe sur sa veste d’employé, « Holly », c’est son prénom. Debout face à elle, Hannah se tient droite. Son poing droit se serre puis se déserre. Elle ne sent plus rien, ni la douleur, ni l’épuisement. Elle continue de la fixer d’une façon inquiétante sans cligner des yeux puis décide de rompre le silence.

« Je voudrais laver mes vêtements… »

Une fois cette phrase prononcé, elle baisse la tête puis se met à rire

« Je crois que j’ai tué quelqu'un mais je ne m’en souviens pas… »

Aussitôt, l'agitation de ses traits cesse, son visage se fige, semblable à un masque de cire. Seul un léger frémissement des paupières laisse deviner sa nervosité. Elle reprend d’une voix lente et lourde.

« Ce sang me donne la gerbe »

Un regard mélancolique lancé dans le vide. Encore une nuit dans cette horrible laverie. Tout est toujours pareil, tout le sera toujours. Inlassablement les mêmes journées, monotonement les mêmes nuits. L'ennui hantait son quotidien uniformément, sans qu'elle ne fasse quoi que ce soit pour le changer. Il fallait bien qu'elle s'y fasse, à présent sa semaine se résumait au travail... Ce qu'elle faisait n'était pas fatigant en lui-même, non. C'était l'accumulation des mêmes gestes à chaque lever du jour, du manque de sommeil et surtout de divertissement.

Pourquoi n'avait-elle pas dit à son entourage qu'à présent, elle avait trouvé un emploi, même deux... ? Elle ne voulait pas qu'on dise des choses dans son dos : Elle n'avait pas décidé de rester à classer des livres ou à surveiller des machines pour que tout le monde autour en parle. Ceux qui connaissaient McCracken la voyaient tous comme une jeune femme discrète, qui déteste par dessus tout se faire remarquer... Elle avait besoin d'argent, pas d'attention.

Un sourire inexplicablement amer vint fendre ses lèvres fermées. Il provenait d'une vibration qui associait à la fois joie et terreur, émerveillement et effroi. Sa solitude nocturne mena un vague souvenir à son esprit. Ses yeux se fermèrent lentement. Elle tentait de revoir cet instant précis encore enfoui en elle. « Comme si c'était hier ? »

Une salle à manger... C'était l'heure du dîner. Lew était attablée avec un bébé dans les bras, elle lui donnait le sein... Alors que Bert et Joseph mangeaient gloutonnement, une petite fille en bout de table boudait son assiette. Lew coupa le silence pesant de la pièce en lançant au visage de la brunette :

« Elle ne parle pas, elle ne mange pas... Quel calvaire celle-la! Bientôt il va falloir lui transfuser sa part de pizza pour qu'elle se nourrisse! C'est un objet dans la baraque, elle sert à rien... Tu verras, le jour où tu chercheras un job, tu te feras recalée comme la bonne à rien que tu es! Si par miracle on te prend tu donneras ta démission le soir-même, choquée de t'être cassée un ongle! »

Alors que les horribles derniers mots de sa belle-mère retentissaient encore dans sa tête, un bruit violent vint la tirer de son souvenir cauchemardesque : La porte de l'entrée du lavomatique claqua. Une femme entra, alla s'asseoir... Elle semblait bien étrange, essoufflée... Cette inconnue n'inspirait aucune confiance à la muette qui l'observait presque cachée, du coin de la laverie, derrière une machine... Mais l'autre femme finit par remarquer sa présence, s'approcha... Elle regarda le badge de la muette qui retint son souffle.

« Je voudrais laver mes vêtements… Je crois que j’ai tué quelqu'un mais je ne m’en souviens pas…Ce sang me donne la gerbe »

Elle rit machiavéliquement, puis s'arrêta. Les yeux exorbités de McCracken se posèrent sur les draps couverts de sang d'Hannah...

Elle paniqua rapidement, tenta même d'arrêter sa montre, mais il n'y avait rien à faire. Elle ne parvint plus à se contrôler, bien trop effrayée par sa dernière émotion et celle qui la prit d'autant plus durement sur le moment...

L’odeur du sang commence à lui chatouiller les narines. Elle secoue la tête puis cligne des yeux. Deux fois. Cette odeur lui donne la nausée mais elle n’a rien à rendre. Les draps tâchés qu’elle a dépouillé à sa victime tirent à présent sur une couleur noirâtre.
Elle attend, patiemment. Aucune réponse, aucune réaction. Holly la fixe toujours sans un mot. Ses yeux sont immenses et d'un noir d'encre, profond semblables a deux grandes pupilles de poisson sans vie. Ses longs cheveux d'ébène aplatissent et allongent son visage blême. Elle parait intrigué.

« Y-a un problème? »

demande t-elle sur air méprisant.

L’employé ne bouge pas d'un cheveu, ne dit toujours rien. Et cette façon qu'elle a de la regarder avec sa bouche fermée, ses grands yeux fixes... commence sérieusement à l’agacer.

« On peut compter sur personne »

Elle se tourne vers les sept machines à laver, s‘avance puis se penche sur la troisième avant d’enfoncer durement ces vilains draps. En l’espace d’un instant, elle se relève et sort une cigarette fine, blanche, qu’elle ne tarde pas à allumer, ses longs cils noirs projetant des ombres droites et précises sur ses pommettes légèrement fardées. Courte inspiration, longue expiration.

« Mettre la linge dans la machine, incorporer la lessive, fermer le hublot …»

Soudain, elle détourne son regard vers la porte d’entrée, quelque chose semble attirer son attention. Elle s’approche lentement du seuil, sa silhouette se dessine dans la lumière bleutée, on aperçoit son reflet dans la vitre, glissant sa main sur son arme chargée en antidote. Juste au moment ou elle s’arrête, quatre hommes ayant visiblement un peu trop forcé sur la bouteille pénètrent dans le local.
Hannah les observe d‘un œil curieux. Elle ressent une chaleur étourdissante l’envahir, instantanément son corps se raidit tandis qu‘un flot de désir monte en elle. Qui aurait cru que ces gay boys in bondage lui fassent autant d’effet?
Ses joues rosissent, et sa voix merveilleusement éraillée avant de laisser échapper un soupir d’extase.

« Ca vous dirait de venir avec moi et de … »

Les nouveaux arrivants ne lui prêtent pas la moindre attention. Ils se parlent à voix basses, éclatent de rire et quittent aussitôt les lieux directement après avoir récupéré leurs biens. A cet instant elle ressent comme une décharge électrique ayant rapidement le don de calmer ses ardeurs, alors elle jure entre ses dents. Son ventre crie famine et sa gorge est sèche. Elle reporte son regard désespéré sur Holly, toujours clouée sur sa chaise.

« Tu veux pas m'commander une pizza ? Oublie pas la glace à la menthe stp... »

Elle s’installe à nouveau sur sa chaise, droite, les jambes croisées, la cigarette aux creux des lèvres.

» Journal d'Holly